Le Bouddha, dans la discipline de Prajna, a énoncé trois pas, les trois premiers de la liste sur le chemin qui mène à nirvâna : 1) la compréhension juste, 2) la pensée juste et 3) la parole juste. Mais il n'a pas évoqué l'écriture juste. Bien sûr, l'écriture consiste à coucher des mots sur du papier ou sur l'écran d'un ordinateur, et de ce point de vue, l'écriture serait un prolongement de la parole, puisque celle-ci est faite essentiellement de mots et d'espaces entre les mots. Et de fait, si la parole est juste, l'écriture – dont elle est la représentation – devrait l'être tout autant.
En septembre 2018, les éditions Almora ont décidé de publier mon premier essai sur le Zen : Expérience zen. Je n'ai eu que de très rares retours de lecture, et si j'en crois le directeur de collection d'Almora, José Le Roy, le Zen n'est plus très vendeur, en sorte que mon livre ne s'est pas vendu autant que l'éditeur l'avait escompté. De fait, il n'y aura pas de suite à ce livre, qui n'en supposait pas d'emblée. Pour le dire honnêtement, j'avais pensé à une suite parce que l'idée avait été évoquée par José Le Roy, quand j'ai présenté mon livre à la librairie Almora, en octobre 2018. Mais l'ouvrage que j'ai réalisé, suite à cela, n'a pas été retenu. Non seulement par les éditions Almora, mais par aucune des autres maisons consultées en désespoir de cause. Peut-être le texte ne répondait-il pas aux attentes des éditeurs, quels qu'ils fussent ; peut-être était-il trop technique, ou trop complexe. Ou trop d'un je ne sais quoi, qui peut également être un pas assez d'un autre je ne sais quoi. Mais quoi qu'il en soit, je dois me rendre à l'évidence que ce deuxième livre n'est pas près de voir le jour et peut-être ne le verra-t-il jamais.
Je n'ai pas eu de nouvelles, à ce jour, du nombre exact d'exemplaires d'Expérience zen vendus. Mes droits d'auteurs étant intégralement reversés au centre zen de la Falaise Verte, je ne sais à combien s'élève le gain pour cette association. Probablement à pas grand-chose.
Mais là n'est pas la question de ce billet ; juste une digression en passant, par association d'idées et parce que je m'interroge sur la justesse de cet ouvrage, du point de vue du Dharma du Bouddha. Non pas que j'aie un doute, sur ce point, mais sur les capacités d'éclairage de l'écriture, dans le contexte d'une expérience zen, fût-elle décisive. Car la question est bien "l'écriture juste".
Le Bouddha n'a, quant à lui, rien écrit. Tous les textes sutriques seraient, selon la légende, des récits de ses enseignements, grâce à la mémoire infaillible de son disciple et cousin Ananda. C'est pourquoi la plupart des sutras commencent par cette phrase lapidaire : "Ainsi ai-je entendu." Or, si la légende repose sur une part de vérité historique, il faudrait en conclure que le Bouddha n'a jamais enseigné le Mahayana, mais le Théravada – le véhicule des anciens. C'est-à-dire, en gros et sans entrer dans les détails, les Quatre Nobles Vérités.
Cela étant, si l'on comprend bien le Mahayana, il est aisé de constater que rien ne le distingue du Théravada, si ce n'est l'accent sur la Compassion Infinie. Or, la Compassion Infinie dérive naturellement de l'expérience de la vacuité, qui est le sens premier de l'anatman, c'est-à-dire l'absence d'être "en soi". Et si l'on admet que l'essence première de la Compassion repose sur la transmission du Dharma à travers les siècles, pour le bien de tous les êtres sensibles – y compris celui qui s'assoit ici et maintenant –, on comprend bien que le Bouddha n'a jamais enseigné autre chose que le Mahayana, qui englobe le Théravada. Ce qui montre pourquoi les guerres de chapelles, à propos des différents véhicules, ne sont que des guerres d'ignorants stupides. On rencontre la même chose dans le Zen ; il ne faut pas se faire d'illusion là-dessus. En particulier dans la pseudo différence entre le Sôtô et le Rinzai. Les conflits de chapelle, dans ce contexte, ne sont que des faits d'idiots, ou plutôt de mauvais enseignants. Ou pour le dire autrement : ce qui oppose le Sôtô au Rinzai n'est pas le contenu doctrinal, mais la bêtise de leurs représentants respectifs, quand ils s'efforcent de démontrer quelque chose qui les dépasse de très loin.
Donc, le Bouddha n'a rien écrit, mais son enseignement s'est transmis à travers les textes sutriques. Pourtant, le Zen, selon Bodhidharma – le premier patriarche –, est censé se placer "au-delà des écritures". Mais que signifie "se placer au-delà des écritures" ? Simplement que la parole juste n'est pas réductible aux mots qui l'expriment. Les mots sont à l'expérience zen ce que les couleurs sont à la lumière.
Mais qu'avons-nous d'autre que les mots, sinon le silence, qui n'est qu'un mot en négatif, un non-dit ou un espace lacunaire entre les mots, pour exprimer ce qui se trouve au-delà des mots et de l'écriture ? Rien. Rien, sinon inciter le lecteur à lire l'illisible et à écouter l'indicible. Mais avec quels yeux et avec quelles oreilles doit-il voir ou entendre l'illisible ou l'indicible ? La réponse est simplissime : avec les yeux et les oreilles du Bouddha. Car seul le Bouddha voit et entend le Bouddha. Seul le Bouddha comprend le Bouddha. Seul le Bouddha pense et parle comme le Bouddha.
À présent, dites-moi un seul mot qui ne soit pas parole de Bouddha !
En septembre 2018, les éditions Almora ont décidé de publier mon premier essai sur le Zen : Expérience zen. Je n'ai eu que de très rares retours de lecture, et si j'en crois le directeur de collection d'Almora, José Le Roy, le Zen n'est plus très vendeur, en sorte que mon livre ne s'est pas vendu autant que l'éditeur l'avait escompté. De fait, il n'y aura pas de suite à ce livre, qui n'en supposait pas d'emblée. Pour le dire honnêtement, j'avais pensé à une suite parce que l'idée avait été évoquée par José Le Roy, quand j'ai présenté mon livre à la librairie Almora, en octobre 2018. Mais l'ouvrage que j'ai réalisé, suite à cela, n'a pas été retenu. Non seulement par les éditions Almora, mais par aucune des autres maisons consultées en désespoir de cause. Peut-être le texte ne répondait-il pas aux attentes des éditeurs, quels qu'ils fussent ; peut-être était-il trop technique, ou trop complexe. Ou trop d'un je ne sais quoi, qui peut également être un pas assez d'un autre je ne sais quoi. Mais quoi qu'il en soit, je dois me rendre à l'évidence que ce deuxième livre n'est pas près de voir le jour et peut-être ne le verra-t-il jamais.
Mais là n'est pas la question de ce billet ; juste une digression en passant, par association d'idées et parce que je m'interroge sur la justesse de cet ouvrage, du point de vue du Dharma du Bouddha. Non pas que j'aie un doute, sur ce point, mais sur les capacités d'éclairage de l'écriture, dans le contexte d'une expérience zen, fût-elle décisive. Car la question est bien "l'écriture juste".
Le Bouddha n'a, quant à lui, rien écrit. Tous les textes sutriques seraient, selon la légende, des récits de ses enseignements, grâce à la mémoire infaillible de son disciple et cousin Ananda. C'est pourquoi la plupart des sutras commencent par cette phrase lapidaire : "Ainsi ai-je entendu." Or, si la légende repose sur une part de vérité historique, il faudrait en conclure que le Bouddha n'a jamais enseigné le Mahayana, mais le Théravada – le véhicule des anciens. C'est-à-dire, en gros et sans entrer dans les détails, les Quatre Nobles Vérités.
Cela étant, si l'on comprend bien le Mahayana, il est aisé de constater que rien ne le distingue du Théravada, si ce n'est l'accent sur la Compassion Infinie. Or, la Compassion Infinie dérive naturellement de l'expérience de la vacuité, qui est le sens premier de l'anatman, c'est-à-dire l'absence d'être "en soi". Et si l'on admet que l'essence première de la Compassion repose sur la transmission du Dharma à travers les siècles, pour le bien de tous les êtres sensibles – y compris celui qui s'assoit ici et maintenant –, on comprend bien que le Bouddha n'a jamais enseigné autre chose que le Mahayana, qui englobe le Théravada. Ce qui montre pourquoi les guerres de chapelles, à propos des différents véhicules, ne sont que des guerres d'ignorants stupides. On rencontre la même chose dans le Zen ; il ne faut pas se faire d'illusion là-dessus. En particulier dans la pseudo différence entre le Sôtô et le Rinzai. Les conflits de chapelle, dans ce contexte, ne sont que des faits d'idiots, ou plutôt de mauvais enseignants. Ou pour le dire autrement : ce qui oppose le Sôtô au Rinzai n'est pas le contenu doctrinal, mais la bêtise de leurs représentants respectifs, quand ils s'efforcent de démontrer quelque chose qui les dépasse de très loin.
Donc, le Bouddha n'a rien écrit, mais son enseignement s'est transmis à travers les textes sutriques. Pourtant, le Zen, selon Bodhidharma – le premier patriarche –, est censé se placer "au-delà des écritures". Mais que signifie "se placer au-delà des écritures" ? Simplement que la parole juste n'est pas réductible aux mots qui l'expriment. Les mots sont à l'expérience zen ce que les couleurs sont à la lumière.
Mais qu'avons-nous d'autre que les mots, sinon le silence, qui n'est qu'un mot en négatif, un non-dit ou un espace lacunaire entre les mots, pour exprimer ce qui se trouve au-delà des mots et de l'écriture ? Rien. Rien, sinon inciter le lecteur à lire l'illisible et à écouter l'indicible. Mais avec quels yeux et avec quelles oreilles doit-il voir ou entendre l'illisible ou l'indicible ? La réponse est simplissime : avec les yeux et les oreilles du Bouddha. Car seul le Bouddha voit et entend le Bouddha. Seul le Bouddha comprend le Bouddha. Seul le Bouddha pense et parle comme le Bouddha.
À présent, dites-moi un seul mot qui ne soit pas parole de Bouddha !