mardi 13 octobre 2020

De l'utilité de la pratique

Il est actuellement une grave maladie du Zen (et en particulier de certaines spiritualités qui s'en réclament) qui consiste à croire que parce que la nature propre de l'esprit est libre d'erreurs, de souillures et de troubles (cf. jeu simultané de la Triple Discipline de Huineng), alors la pratique (de la Triple Discipline) est fondamentalement inutile. Quand Huineng déclarait la totale liberté de la nature de l'esprit, il ne faisait pas référence à l'esprit troublé par les passions, la peur, l'erreur de jugement qui conduit aux vues erronées, etc. mais à la nature de l'esprit par-delà les voiles de l'Ignorance. Or, si la pratique est utile au zeniste, c'est bien parce que sa nature propre (qui est sa nature de Bouddha) n'est pas en elle-même affectée par l'Ignorance, car dans le cas contraire, il serait impossible de la retrouver. Considérons un joyau profondément enfoui dans la fange. Si ce joyau se ternissait à cause de cette couche profonde de boue (ou autrement dit, s'il perdait sa nature de joyau), il serait impossible de le reconnaître (le distinguer de la boue) et toute pratique serait inutile. Mais parce qu'il ne perd pas sa nature de joyau, alors il est possible de le reconnaître, ce qui rend non seulement utile mais indispensable la pratique. 

Les êtres ordinaires ne vivent pas dans la reconnaissance de leur nature de Bouddha. Ils vivent dans l'obscurité de l'Ignorance et non dans la lumière de la Sapience (Prajna). Ceux-là sont ceux qui ont le plus besoin de pratiquer, car ils tournent le dos à leur nature de Bouddha. La pratique consiste précisément en ce retournement de l'esprit sur lui-même. Sans ce retournement, tout n'est qu'Ignorance. Ne pas reconnaître l'Ignorance est l'Ignorance. Ce retournement est l'Effort juste, qui est le 6ème pas de l'Octuple Sentier et le premier dans la discipline de Dhyâna (zazen pour le Zen). Méconnaître l'Effort juste, c'est priver zazen de sa base, de ses fondations. 

Par l'Effort juste, l'Attention juste est maintenue, et si l'Attention juste est maintenue, alors la Concentration juste (samadhi) se manifeste. Le samadhi est une condition préalable à la vue dans sa vraie nature (kenshô). L'expérience de samadhi ne débouche pas toujours sur kenshô, mais il n'y a pas de kenshô sans samadhi. Aussi, le pratiquant ne devra pas rechercher kenshô mais samadhi de la même façon qu'on ne cherche pas le but d'un voyage en se mettant au volant mais la route qui y mène. C'est comme chercher le buffle sur lequel on est assis. Ce buffle n'est pas manifeste dans l'état ordinaire de la conscience, sujette à toutes sortes de distractions. Aussi est-il nécessaire de bien s'assurer qu'il ne nous a pas désarçonné. Atteindre samadhi, c'est tenir fermement (mais sans effort cette fois) le buffle par le licou. 


Un autre détail important, associé à la pratique de Dhyâna, c'est-à-dire de zazen, c'est la détermination. La détermination est l'acte de la volonté et la volonté est ce qui fait principalement défaut aux étudiants zen, en particulier quand ils commencent à avoir un certain niveau de pratique et qu'ils ont le sentiment de n'arriver nulle part, en dehors de quelques rares instants de quiétisme dans le meilleur des cas. Le plus souvent, ils font l'épreuve de l'ennui et/ou de la douleur et se sentent découragés. Or, c'est précisément à ce stade qu'il faut redoubler d'effort, mais celui-ci ne doit pas être porté par le mental. Car ce n'est pas le bouvier qui supporte le buffle mais le buffle qui supporte le bouvier. Il ne faut jamais perdre de vue cela, car cela reviendrait à fouetter une charrette pour faire avancer le buffle (1).

Or, dès lors que le buffle n'est pas reconnu par le pratiquant zen, qui en est encore au stade de sa quête, l'étudiant zen n'a pas d'autre choix que de s'en remettre intégralement à ce que son mental ignore. Pour cela, il doit considérer son assise sur le zafu comme l'assise d'un bouvier sur son buffle et garder à l'esprit que ce n'est pas lui, le bouvier, qui avec son mental porte le buffle, mais que c'est bien le buffle qui porte le bouvier. Ce n'est pas le mental qui est à la base de sa nature de Bouddha, c'est l'inverse, et c'est bien sa nature de Bouddha qui est le moteur. C'est sa nature de Bouddha qui va éclairer la conscience du pratiquant et non la conscience du pratiquant – le plus souvent noyée dans l'ignorance – qui va éclairer sa nature de Bouddha. Dit autrement, ce n'est pas la volonté qui en réalité manque à l'étudiant zen, mais la reconnaissance de cette volonté qui est sa nature de Bouddha. 

À présent, si vous avez compris ce qui précède, vous devriez être en mesure de comprendre le kôan suivant et d'y répondre : "Sans te mouiller, prends le trésor enfoui au plus profond de l'océan." Si vous pensez que par "sans te mouiller" il faut entendre "sans faire d'effort", vous avez tout faux. Si vous pensez que faire l'effort revient à se mouiller, vous avez tout faux aussi. Allez, encore un petit effort et vous constaterez que c'est bien l'or qui brille dans le tamis de l'orpailleur et non l'œil de l'orpailleur. 



(1) « Ayant constaté avec quelle assiduité Ma-tsu pratiquait chaque jour tso-ch’an (zazen), Yuan Huai-jang dit : "Ami, dans quelle intention pratiquez-vous tso-ch’an ?" Ma-tsu dit : "Je désire atteindre l’état de Bouddha." Là-dessus, Yuan Huai-jang ramassa une brique et se mit à la polir. Ma-tsu demanda : "Que faites-vous ?" "Je désire faire de cela un miroir." "Aucun polissage, si long soit-il, ne fera un miroir d’une brique !" Yuan Huai-jang répliqua aussitôt : "Aucune pratique de tso-ch’an, si longue soit-elle, ne vous fera atteindre l’état de Bouddha !" "Que dois-je faire ?" demanda Ma-tsu. "C’est comme si vous conduisiez une charrette, dit Yuan Huai-jang. Quand elle s’arrête, que doit faire le conducteur ? Fouetter la charrette ou le bœuf ?" » d'après Le non mental selon la pensée zen D.T. Suzuki.



mardi 6 octobre 2020

Le Triple Monde est une maison en feu

"Le Triple monde est une maison en feu", telle est la déclaration de Lin Tsi (Rinzai) dans l'un de ses entretiens (1). Le Triple Monde est, dans le Bouddhisme, le monde des désirs – avec ses six classes d'êtres –, de la forme – associé aux états de samadhi durant Dhyâna –, et du sans forme, qui est le royaume divin, coupé de tout attachement mais cependant incapable d'entendre le Dharma et donc de parvenir à la Libération. Dans une maison en feu, il n'y a pas de paix, nous dit Lin Tsi.  


L'idéogramme Mu – 無 – (prononcer entre "Mou"), dont le sens littéral est vacuité, néant, rien... sert de huat'ou (2) au premier kôan donné aux pratiquants rinzai qui entrent dans la voie du Zen. "Le chien a-t-il la nature de Bouddha ?" demande un moine à Joshu. Et Joshu répond : "無 !"

Il est clair que traduire 無 par "rien" ou "vacuité" ou "néant" ne suffit pas à traduire la pensée, ou plutôt la "non-pensée" de Joshu. Le moine l'interprète cependant comme l'équivalent d'une négation ferme – non ! –, en sorte qu'il enchaîne par la question suivante : "Pourquoi le chien n'a-t-il pas la nature de Bouddha ?" Et cette fois Joshu répond : "Parce qu'il a un mauvais karma."

L'idéogramme 無, outre sa signification lexicale, représente une maison en flamme (c'est "ce qui reste quand il n'y a plus rien", nous dit Taïkan Jyoji dans son livre Itinéraire d'un maître zen venu d'Occident, paru aux éditions Almora). Ce détail symbolique, de mon point de vue, n'est pas anodin. Est-ce que la réponse de Joshu se réfère au Triple Monde de Lin Tsi ? Sur le plan historique – si tant est qu'un kôan ait une quelconque réalité historique –, rien ne s'y oppose puisque Joshu et Lin Tsi vivaient en Chine au IXème siècle et s'inscrivaient l'un comme l'autre dans le Zen du Sixième Patriarche (Huineng). L'auteur du Mumonkan, qui a publié ce kôan (avec d'autres) en 1228, aurait pu s'inspirer de la littérature pour faire dire à Joshu ce que Lin Tsi affirmait dans ses entretiens à propos du Triple Monde. 

Mais la réalité historique d'un possible lien entre Joshu et Lin Tsi n'est pas mon propos ici. Mon propos est de tenter de dire en quoi le 無 de Joshu et la phrase de Lin Tsi ont un sens commun. 

Une maison, c'est d'abord une construction. Pour qu'elle puisse tenir debout et remplir son office, il lui faut a minima des fondations bien ancrées dans le sol, des murs solides et un toit pour nous abriter des intempéries. Et si l'on examine les choses sous cet angle, on réalise que nos concepts, nos lois, nos relations sociales, familiales, amoureuses etc. sont comme des structures qui nous permettent de nous ancrer dans le monde qui nous entoure. Sans ces structures, nous sommes semblables à une maison qui s'écroule, qui s'effondre, et cela peut s'avérer problématique pour qui n'est pas préparé à vivre sans ancrage, sans attache. La maladie mentale, la schizophrénie notamment, est une destructuration de l'ego. Un ego destructuré peut donc être comparé à une maison en flamme, qui ne peut évidemment tenir debout. Mais un ego structuré doit veiller à ce que rien ne puisse compromettre cette stabilité. Or, nous savons que rien n'est permanent. On peut avoir un accident ou tomber malade. On peut perdre son emploi et avoir des difficultés financières ou amoureuses. On peut perdre un proche, un enfant, un parent, un ami ou une amie, un compagnon de vie ou une compagne de vie... On peut être séparés de ceux qu'on aime et vivre parmi ceux qu'on n'aime pas. Le Bouddha disait à propos de la Première Noble Vérité (de la Souffrance) que "nous avons versé durant des temps immémoriaux plus de larmes qu'il n'y a d'eau dans les quatre océans". Les difficultés de la vie n'épargnent personne, même si certains – très minoritaires – sont bien mieux lotis que d'autres, en raison d'un "karma favorable". 

Le chien du moine, quant à lui, a un "mauvais karma", selon la réponse de Joshu. Cependant, le Sutra du Nirvâna ne dit pas que les êtres qui ont un mauvais karma n'ont pas la nature de Bouddha. Mais alors, à quel chien Joshu se réfère-t-il pour répondre au moine ? Pour comprendre cela, examinons la figure suivante : 
 

 
Sur la figure ci dessus, le chien de gauche est l'animal "tel qu'il est" avant sa représentation dans le mental, laquelle est illustrée à droite. Quand le moine demande à Joshu si le chien a la nature de Bouddha, il fait référence à l'animal tel qu'il se le représente, et donc celui de droite, que j'ai montré à l'envers comme s'il n'était qu'un reflet dans un miroir. Cette représentation est donc une construction mentale, et si elle fait bien référence au chien, elle n'est pas vraiment le chien. Joshu ne peut donc valider par l'affirmative la question du moine, même s'il fait référence au Sutra du Nirvâna, car le Sutra du Nirvâna se réfère à la véritable nature des êtres et non à leurs représentations dans le mental. C'est pourquoi il répond 無. Joshu invite donc le moine à déconstruire sa représentation mentale à partir de l'expérience de la vacuité, car sans cette expérience, le chien du moine (qui est une représentation formatée) n'est pas celui de Joshu (qui est le chien d'avant la naissance de l'animal dans les représentations mentales). Celui du moine a "un mauvais karma".

Le 無 de Joshu renvoie donc tout autant au Samsara qu'au Nirvâna, c'est-à-dire à la déconstruction des consolidations mentales élaborées en Samsara. Cette déconstruction n'est pas à prendre au sens littéral, car le Bouddha n'est pas un être éthéré, inconscient du Samsara. Cette déconstruction revient à ne plus se laisser abuser par les représentions mentales – les reflets – qui ne sont pas la réalité, au sens du Zen. Ces constructions ne sont pas "ici et maintenant", contrairement à ce qu'on pourrait imaginer ; elles sont affectées par la dualité sujet/objet en sorte qu'elles sont dans une illusion de l'instant présent.  

N'avez-vous jamais observé un bébé s'agitant pour saisir un objet éloigné, comme si celui-ci était à sa portée ? Le bébé n'a pas encore de représentations mentales bien définies, en sorte que les distances qui le séparent des objets des sens lui paraissent sans substance. Durant l'expérience de voir dans sa vraie nature, les distances sont également abolies, en sorte qu'il est effectivement possible de toucher le commencement de l'univers sans avoir à se déplacer (par exemple). Mais le sens du toucher n'est pas non plus dans cette expérience à prendre au sens littéral. Le toucher est ici une vue, au sens d'une vue bouddhique. Il s'agit d'une expérience visionnaire et non en référence aux modalités sensorielles, qui se rapportent, elles, aux douze liens interdépendants. Une expérience visionnaire est dite "supra naturelle", car elle ne relève ni de l'imaginaire ni d'une hallucination. "L'esprit", qui est le ciment de la conscience des représentations mentales, a tout simplement disparu de l'expérience. 

Dès lors qu'il est question d'attention, dans la pratique, c'est-à-dire au sens du 7ème pas de l'Octuple Sentier, celle-ci n'est pas celle qui se rapporte au mental – bien que celui-ci ne cesse rigoureusement d'être actif, car le pratiquant n'est pas en état de mort cérébrale ou dans le coma –, mais à sa nature de Bouddha qui, elle, n'est pas abusée par les représentations dualistes et demeure toujours en éveil. Quand la nature de Bouddha s'exprime, c'est le chien "tel qu'il est", c'est-à-dire avant sa naissance dans le mental discriminant du moine, qui est vu par le pratiquant. Et dès lors qu'il s'agit autant d'une vue que d'un toucher – puisque la nature de Bouddha ne dépend pas des modalités sensorielles –, Le chien n'est plus distinct du moine sans que pourtant ils se confondent l'un dans l'autre. Ce qui disparaît, ce n'est ni le chien ni le moine tels qu'ils sont dans leur nature propre, laquelle est inaccessible à la pensée dualiste et donc étrangère à toute représentation mentale, mais la distance qui les sépare l'un de l'autre dans leur nature propre, car cette distance relève d'une représentation mentale. Bien sûr, le chien n'est pas le moine. Si le moine s'éveille à sa vraie nature, le chien ne s'éveille pas pour autant. Il est impossible, à qui n'a jamais fait l'expérience de voir dans sa vraie nature (kenshô), de se représenter la disparition des distances autrement que dans un phénomène hallucinatoire ou imaginaire. Car l'expérience de la vue dans sa vraie nature n'est pas consécutive à un protocole expérimental. La nature de Bouddha ne dépend pas des chemins qui y mènent ou des stratégies (moyens habiles) pour s'en rapprocher. Elle ne peut donc disparaître avec la mort ou apparaître avec la naissance. Elle n'est pas affectée par la maladie mentale pas plus qu'elle ne se révèle avec la raison. Elle n'est pas située dans le temps, bien qu'elle n'y soit pas absente. Tout ceci ne peut être compris qu'avec la vue dans sa vraie nature qui est la réalisation de la vacuité (ensô). 

Au plan pratique, il faut bien veiller à ne pas confondre son état mental ordinaire avec sa nature de Bouddha, même si l'état mental de l'éveillé et sa nature de Bouddha se confondent en réalité. Les êtres ordinaires ne sont pas éveillés, en sorte que leur état mental ne reflète que l'Ignorance – au sens bouddhique – et non la Sapience (Prajna). Pour s'éveiller à sa vraie nature, le Zen propose la pratique de zazen. Zazen est une pratique formelle. Le pratiquant est assis les jambes croisées. La jambe droite et la jambes gauches sont en même temps séparées et indistinctes, comme le chien de droite et le chien de gauche (sur la figure) sont en même temps distincts et indistincts. Zazen fait partie de la discipline de Dhyâna (cf. cercle ci-dessous, qui se lit dans le sens des aiguilles du montre). Dhyâna comprend trois pas qui sont l'Effort, l'Attention et la Concentration justes. Cependant, Dhyâna doit être éclairé par la Prajna, qui est la Compréhension juste, laquelle s'exprime par la Pensée et la Parole justes. Entre Prajna et Dhyâna, se trouve la discipline appelée Silâ, qui est l'étique et qui comprend l'Action et le Moyen de Vie justes. En principe, un débutant n'a pas la compréhension profonde et juste (Prajna) qui est associée à la Vue bouddhique, expérience visionnaire obtenue lors de la Concentration (Samadhi) juste. Il est donc invité à pratiquer zazen avec détermination et avec foi. Cependant, la foi et la détermination ne suffisent pas toujours à s'éveiller. Il faut faire un effort spécial qui est appelé "doute" dans le Zen.


Le doute est ce qui est mis en œuvre quand l'objet de la recherche, bien qu'évident, n'est cependant pas reconnu. Par exemple, bien que le moine du kôan se réfère à un chien, ce n'est pas le chien qu'il voit, mais une représentation de celui-ci qui est vide de nature propre (puisqu'il n'est qu'une construction d'objets/phénomènes en interdépendance). Pourtant, le chien tel qu'il est, avant sa naissance dans le mental, est bien là, devant lui, sous ses yeux (sinon, il ne pourrait pas s'y référer). Pour voir le chien tel qu'il est sans ses représentations mentales, il lui faut passer la barrière du 無 de Joshu. Dans la pratique, on oublie le chien. Le pratiquant doit considérer son corps et sa respiration du point de vue du 無 de Joshu. Le 無 doit donc être au centre de l'attention et non pas à l'extérieur – comme le serait un objet – de l'attention. On ne se concentre pas sur 無 ; c'est 無 qui se concentre sur lui-même. 無 est placé dans le hara qui est considéré comme le centre du corps et donc de l'attention. La tête, les épaules, les bras et le dos "tombent" dans le hara. Il n'est pas nécessaire de visualiser l'idéogramme. Celui-ci est un houat'ou. Il porte le doute et le soulève. Le corps doit se transformer en une "masse de doute". Le pratiquant doit se transformer en une masse de doute. 

Ce doute finira par s'effondrer, comme une maison en flamme. Cet effondrement revient à réaliser le tour de roue complet avec ses huit rayons que sont les huit pas de la Triple Discipline. C'est quand la Compréhension juste est le résultat de la vue réalisée dans la Concentration juste. Il n'y a pas de kenshô sans samadhi (Concentration juste), mais tout samadhi n'est pas kenshô. Kensho revient à traverser le miroir, ce qui suppose bien sûr l'atteindre (en samadhi). Le miroir est comme une "passe sans porte", qui est le nom donné au Mumonkan (無門關 : recueil de kôans dont le 1er est le 無 de Joshu). Quand on en est rendu là – c'est-à-dire, quand on passe ce kôan –, plus rien ne peut nous abuser. Et alors, et alors seulement, nos actions sont justes par essence. 


(1) Très exactement, selon la traduction de Paul Demiéville (Entretiens de Lin tsi - Instruction collective 11-b – Ed. Fayard), le texte dit : "Vénérables, il n'y a pas de paix dans le Triple Monde ; il est comme une maison en feu."

(2) Un huat'ou, littéralement "mot tête", est un mot qui, dans un kôan, renferme à lui seul tout le kôan. Par exemple, dans le kôan "Qui est le maître ?", le huat'ou est "Qui", parce que dès lors que le kôan est compris et intégré dans l'esprit du pratiquant, le Qui – huat'ou – exprime la totalité du questionnement.