Je me dois de donner quelques réponses suite à une réaction par mail relative à l'atelier zen sur le karma. Un adepte du Zendô de la Fontaine, qui a suivi la vidéo sur l'atelier, s'appuyant sur des dires du Bouddha qui affirmait qu'à une mort correspondait une naissance, remarquait à juste titre que cela était en contradiction avec la croissance démographique. Et donc quid du karma ?
Mes réponses :
La croissance démographique est une évidence. Nous sommes actuellement près de 8 milliards d'individus dans le monde (il y en avait beaucoup moins à l'époque du Bouddha), et d'après les données statistiques internationales, le taux de naissance est de 17.8 % et le taux de mortalité est de 7.6%, c'est à dire qu'il naît plus de personnes qu'il en meure (en faisant la différence entre le taux de naissances et de morts, la population mondiale augmente en moyenne de 26 personnes par seconde). Bien sûr, ces chiffres ne sont pas constants d'une année sur l'autre. Ceux-ci sont une extrapolation sur l'année 2021.
Cela implique que le karma ne se déploie pas de façon linéaire, un individu succédant à un autre, mais à la façon dont des ondes se propagent en cercles concentriques quand par exemple on jette un cailloux dans l'eau. De plus, il n'y a pas qu'une action mais plusieurs, venues de toutes parts et en des moments différents, en sorte que les cercles concentriques au départ d'une action, se conjuguent les uns aux autres, soit en s'amplifiant, soit en s'annulant, soit en diminuant, et cela selon les différents points où il y a rencontre. Il faut par ailleurs, pour qu'il y ait un individu qui reçoive la résultante d'actions multiples, la réunion de deux gamètes (cellules femelle et mâle) pour la conception et la naissance. Il est bien évident qu'il est impossible de remonter à la source de toutes les actions d'autant que la conjugaison des actions en affecte l'ampleur.
En d'autres termes :
— Pour qu'un individu vienne au monde il faut l'union de deux gamètes (mâle et femelle). C'est vrai aussi pour les animaux.
— Le nombre d'individus croît en fonction de la population actuelle à laquelle on ajoute les naissances et on retranche les morts.
— Chaque individu reçoit la résultante d'actions passées selon son lieu et sa date de naissance.
— Tous les individus ne reçoivent donc pas la même résultante puisqu'une place (celle où l'on se trouve à un instant t est unique et ne peut être partagée avec personne d'autre). Ce qui signifie que sa "tendance karmique" lui sera propre.
— La notion de mort et de naissance, du point de vue de l'anatman ou de la vacuité, n'est pas à considérer du point de vue dualiste. La vacuité est notre véritable nature, cette vacuité est atteinte au moment de la mort et au moment de l'expérience zen du kenshô, mais puisqu'elle est notre véritable nature y compris pendant notre existence individuelle, nous comprenons que nous ne sommes vraiment "ni mort ni vivant". Nous sommes vivant à chaque instant de conscience où l'on prend conscience de notre individualité et donc de notre karma (c'est là qu'agissent les douze liens interdépendants), mais notre vraie nature est "non-née", notre esprit ordinaire est "non-né", c'est à dire qu'il ne peut mourir tout en étant mortel. Il existe un kôan où le maître et son élève se rendent à un enterrement et l'élève, frappant sur le cercueil, demande au maître : "vivant ou mort ?" et le maître répond : "vivant, je ne dis pas, mort, je ne dis pas".

Rappel sur les 12 liens interdépendants : 1) l'ignorance, 2) le karma, 3) la conscience (qui est un agrégat facteur de naissance d'un ego), 4) le nom et la forme, 5) les 6 sens (dont le mental), 6) le contact, 7) la sensation, 8 ) le désir (ou la soif : cf. 6 classes d'êtres), 9) la saisie, 10) le devenir, 11) la naissance, 12) la vieillesse et la mort.