Dans un entretien collectif, Lin Tsi (Rinzai en japonais), s'adressant à ses adeptes, propose quatre formules que l'on peut rapprocher du tétralemme de Nagarjuna. Ce tétralemme est une série de quatre propositions exprimées de façon négative : 1) On ne peut dire d'une chose qu'elle est, 2) On ne peut dire d'une chose qu'elle n'est pas, 3) On ne peut dire d'une chose qu'elle est et qu'elle n'est pas, et 4) On ne peut dire d'une chose ni qu'elle est ni qu'elle n'est pas.
On remarque que le tétralemme de Nagarjuna ne dit rien de cette chose sinon qu'on ne peut rien en dire. Il ne s'agit pas d'une Vue au sens strict mais d'une série de propositions philosophiques reposant sur une certaine compréhension – par inférence logique – de la nature des phénomènes. C'est donc de l'analyse et non une expérience vivante de la chose elle-même.
Dans cet entretien collectif (n°10), selon la classification mentionnée dans la traduction française de Paul Demiéville (éd. Fayard), Lin Tsi donne une dimension pratique au tétralemme. Il ne dit pas ce qu'est ou n'est pas une chose ou ce qu'on pourrait en dire. Il propose : 1) Parfois supprimer l'homme sans supprimer l'objet, 2) Parfois supprimer l'objet sans supprimer l'homme, 3) Parfois supprimer l'homme et l'objet, 4) Parfois ne supprimer ni l'homme ni l'objet.
On remarque que chaque formule commence par "parfois". Cela signifie que la pratique peut prendre différent aspects selon l'évolution du pratiquant et le temps qu'il consacre à sa pratique. Cependant, quand on forme des personnes à la pratique du Zen – en particulier dans le Rinzai –, on respecte en principe cet ordre. Ainsi, on commence souvent par la concentration sur un objet unique (samatha), généralement sur la respiration avec ou sans les comptes cycliques comme durant le sussokan. On peut aussi se concentrer sur un kôan ou une visualisation, par exemple l'idéogramme Mu 無 dans le hara. Cette pratique consiste à faire en sorte que l'homme (ici le pratiquant) "disparaisse" dans cette pratique. On peut aussi détourner l'objet vers un autre. Par exemple, si l'on ressent une douleur, ou si l'on est affecté par une sensation désagréable, comme une pensée angoissante, on se concentre sur cette sensation jusqu'à disparaître en elle, ce qui revient à ne faire qu'un avec l'objet. C'est ce que Lin Tsi propose quand il dit "parfois supprimer l'homme sans supprimer l'objet".
Mais dans la pratique, quand on est très absorbé, l'objet disparaît de lui-même et la présence de l'homme sans objet s'impose à la conscience. C'est la deuxième proposition : supprimer l'objet sans supprimer l'homme. C'est une présence vide de tout ce qui n'est pas cette présence. L'homme peut rester indéfiniment dans cette vacuité et s'illusionner quant à sa véritable réalisation. C'est samadhi.
Pour aller plus loin, il faut faire un retournement de l'esprit sur lui-même. Cette volte-face revient à placer l'esprit face à lui-même jusqu'à ce qu'il constate sa propre vacuité. Ce n'est donc plus une présence mais une absence. La vacuité de la présence se vide d'elle-même. C'est quand Lin Tsi dit "Parfois supprimer l'homme et l'objet". C'est toujours samadhi, mais sans présence.
Cependant, cette absence n'est pas le néant. Dès lors que la vacuité vide d'elle-même se manifeste, le monde tel qu'il est se manifeste comme étant son vrai Soi. Vous pouvez, à ce stade, avaler d'une seule gorgée toute l'eau de l'océan Pacifique ou bien toucher le commencement de l'univers sans avoir à vous déplacer. Vous entendez le son d'une seule main et cette façon d'entendre est Voir sa vraie nature. Vous êtes Kannon : 観音.
Une vidéo pour expliquer cela "avec les mains", c'est-à-dire en improvisation – presque – totale avec des propos parfois maladroits😆 : Le pléonasme "un petit peu différent et pas tellement différent" signifie que l'ajustement de l'esprit à lui-même (la coïncidence) n'est qu'une question de perspectives qui convergent toutes vers cette ajustement. 😇)
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